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La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné, le 31 mars, la France pour avoir placé en rétention administrative, durant 14 jours, un mineur géorgien âgé de 8 ans. Depuis 2012, c’est la 9 ème condamnation de la France pour rétention d’enfants.
Présentation des faits. Entrés irrégulièrement en France en 2019, et alors que leurs demandes d’asile ont été rejetées par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) en janvier 2020, le couple de ressortissants géorgiens et leur enfant mineur âgé de huit ans, ont été placés pendant 14 jours en rétention administrative, à Metz le 6 novembre 2020, avant leur éloignement vers la Géorgie le 20 novembre 2020.
Les requérants soutiennent que leur placement en rétention est contraire à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (relatif à l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants) eu égard « au jeune âge de l’enfant, au caractère inadapté des conditions matérielles du centre de rétention pour un enfant, et à la durée du placement en rétention ».
« Il convient de garder à l’esprit que la situation de particulière vulnérabilité de l’enfant mineur est déterminante et prévaut sur la qualité d’étranger en séjour irrégulier de son parent ».
Dans son arrêt en date du 31 mars 2022, la Cour note que l’enfant mineur était accompagné de ses deux parents durant la période de rétention, mais elle ajoute que « cette circonstance n’est pas de nature à exonérer les autorités de leur obligation de protéger l’enfant mineur » et de prendre des mesures adéquates au titre des obligations positives découlant de l’article 3 de la Convention. « Il convient de garder à l’esprit que la situation de particulière vulnérabilité de l’enfant mineur est déterminante et prévaut sur la qualité d’étranger en séjour irrégulier de son parent ».
La CEDH rappelle que le placement d’enfants mineurs en rétention administrative soulève des questions spécifiques dans la mesure où, qu’ils soient ou non accompagnés, ils sont particulièrement vulnérables et ont besoin d’une prise en charge spécifique. S’agissant du placement en rétention administrative de mineurs accompagnés, la Cour apprécie l’existence d’une violation de l’article 3 de la Convention en fonction des trois facteurs suivants : l’âge des enfants mineurs, le caractère adapté ou non des locaux au regard de leurs besoins spécifiques et la durée de leur rétention.
Le bras judiciaire du Conseil de l’Europe souligne qu’un enfant de 8 ans, « ne peut être considéré comme ayant le discernement suffisant pour comprendre la situation de l’espèce, reste placé dans une situation de particulière vulnérabilité ». S’agissant du critère relatif aux conditions d’accueil, la CEDH note « la dimension sécuritaire du centre de rétention est omniprésente et la mitoyenneté avec le centre pénitentiaire de Metz-Queuleu redouble cet aspect, notamment par la présence de l’un des miradors ».
Ainsi, «au-delà d’une brève période de rétention, la répétition et l’accumulation des effets engendrés, en particulier sur le plan psychique et émotionnel, par une privation de liberté entraînent nécessairement des conséquences néfastes sur un enfant en bas âge », estime la Cour de justice basée à Strasbourg. De ce fait, elle juge la durée de 14 jours de rétention administrative comme étant« excessive ».
Au regard de tous les éléments, la CEDH conclut que « compte tenu de son jeune âge, des conditions de rétention dans le centre de Metz-Queuleu et de la durée du placement en rétention, les autorités compétentes ont soumis l’enfant mineur à un traitement qui a dépassé le seuil de gravité requis par l’article 3 » de la Convention européenne des droits de l’homme.
Elle condamne donc l’Etat à verser 5 000 euros au mineur pour dommage moral. Comme le rappelle sur twitter, Nicolas Hervieu, juriste en droit public et droit européen des droits de l’homme, avec cet arrêt, c’est la neuvième fois que la France est condamnée pour la rétention administrative d’un enfant mineur.