Une collaboration entre les autorités belges et la Division des droits des enfants du Conseil de l’Europe. 9 et 10 décembre 2014 – Bruxelles
On célèbre l’anniversaire des 25 ans de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, mais force est de constater qu’il persiste encore des problèmes partout en Europe. Comment définir l’Intérêt Supérieur de l’Enfant (ISE) et ne pas respecter les droits de l’enfant ?
L’enfant est au centre des préoccupations et ses droits sont fondamentaux. L’ISE est un concept juridique indéterminé mais pas discrétionnaire. Une notion vague et abstraite qui peut être à la fois force et difficulté. L’ISE est un concept dynamique qu’il nous faut utiliser à la lumière des droits de l’enfant dans une approche holistique. Tous les droits sont importants, pas un ne prévaut l’autre. L’ISE doit être une considération primordiale (Art. 3 CIDE) mais pose aussi question quant à l’évaluation. Pour une même décision, l’évaluation et la détermination de l’ISE peuvent nous amener à des résultats différents.
L’Intérêt Supérieur de l’Enfant et l’Intérêt Supérieur des Enfants : comment évaluer et déterminer l’Intérêt Supérieur des Enfants lors de l’adoption de mesures générales ? Quel est le rapport entre l’ISE et les autres intérêts légitimes en présence ? L’ISE peut être en conflit avec d’autres intérêts (par ex. dans le cadre des affaires familiales, la filiation, la séparation mais aussi les Menas…).
La nature juridique de l’ISE
L’ISE est un principe juridique, un droit, une règle de procédure. Comment ce droit est-il respecté dans la décision ? L’ISE doit être évalué dans tous les cas. Mais quels sont les éléments à évaluer ? L’opinion de l’enfant ? L’identité de l’enfant ? Le point de vue de la famille ? La préservation du milieu familial ? Quelles sont les conditions d’un apport de l’enfant dans la définition de son propre intérêt ? Comment au mieux les impliquer dans la détermination de leur propre intérêt supérieur ? Quels sont les outils multidisciplinaires existants qui vont nous permettre d’évaluer, déterminer et appliquer l’Intérêt Supérieur de l’Enfant et quels sont les défis et les intérêts d’une mutualisation des connaissances au sein des pays membres ?
Tout au long de la conférence, nous avons abordé la question du sens et de l’éthique en matière de l’ISE. Nous avons essayé de comprendre quelles sont les conditions nécessaires pour qu’une décision protège, respecte et réalise l’ISE.
Différentes recommandations ont été précisées :
– Pour pouvoir répondre aux besoins de l’enfant, il faut pouvoir l’entendre, c’est fondamental.
– Tenir compte des opinions de l’enfant et du jeune et les faire participer à l’élaboration des décisions qui les concernent, au dispositif social; les jeunes vulnérables ou en situation d’handicap, ne seront pas négligés (ex. pédagogie de Korczak sur la mise en place de différents dispositifs en vue de tendre vers un meilleur épanouissement de l’enfant).
– Pour veiller à l’ISE, il faut aussi que les enfants, les jeunes soient informés.
– Il faut que l’enfant et le jeune se sentent dans une relation de confiance avec l’adulte et se sont les adultes qui créent les conditions de la confiance.
– Il faut penser et construire des méthodologies d’apprentissage, utiliser des techniques de communications et de médiations.
– Tenir compte des besoins spécifiques des enfants dans un contexte de crise économique et de mesures d’austérité. Un enfant sur quatre est concerné par la pauvreté, avec quel impact sur les droits de l’enfant? La priorité doit être de réduire les inégalités entre les enfants.
– Respecter la non-discrimination peu importe l’âge, le genre, la nationalité, la situation de l’enfant.
– Donner du pouvoir aux enfants afin qu’ils s’assument au mieux en tant qu’adultes (ex. l’expérience de la Villa Pinedo aux Pays-Bas dont l’outil axé sur la formation permet aux enfants, en situation de séparation parentale, d’apporter leur expertise aux professeurs).
– En matière de droit familial, il convient de tenir compte de l’évolution des configurations et des modèles familiaux. Lors d’adoption, de séparations, de conflits de garde, l’intérêt de l’enfant doit primer afin que celui-ci garde proche ses deux parents. Les conditions de vie ne doivent pas justifier un éloignement de l’enfant et à côté des outils judiciaires, il convient de développer la médiation plus profitable à l’enfant (nécessité d’écouter l’enfant au Tribunal).
– Des protections doivent être prises notamment dans le cadre des familles migrantes et des Menas.
– En fonction de l’évolution des moeurs et des techniques de procréation, l’enfant doit avoir le droit de connaître le secret de ses origines et de sa naissance, indépendamment du contexte. L’intervention possible de l’état pourrait avoir lieu afin d’éviter, en regard de toutes ces nouvelles pratiques, les problèmes éventuels d’inceste.
– La société civile doit influencer les politiques nationales, nous avons de bonnes décisions politiques en matière de droits de l’enfant, mais la situation se détériore. La société civile doit faire entendre la voix des enfants !
– Il convient de se mobiliser, de travailler ensemble dans la transversalité, tous secteurs confondus en faveur des droits de l’enfant.
– L’importance de réfléchir sur des critères d’évaluation. Que devons-nous évaluer, comment et qui ? Quels sont les outils que nous possédons pour évaluer, déterminer et appliquer l’ISE ?
– Il y a nécessité de persuader les décideurs d’adopter la méthodologie la plus appropriée pour prendre des décisions en veillant aux conditions d’indépendances, aux compétences professionnelles de ceux qui sont chargés de l’évaluation.
– Il est important d’évaluer dans la transparence. Comment cette évaluation va être utilisée? L’ISE ne doit pas être instrumentalisée : Ex. le modèle d’évaluation de l’ISE hollandais appelé BIC- Best Interest of Child- est basé sur 14 critères d’appréciation de l’ISE (7 prérequis au niveau familial et 7 au niveau de la société) valorisant le développement de l’enfant. Il a souvent été utilisé afin d’évaluer l’ISE dans le cadre des enfants migrants, des procédures d’asile, élargi au cadre des enfants placés et commence à être connu dans d’autres états.
– L’importance de former les décideurs, les travailleurs sociaux et de s’appuyer sur des équipes pluridisciplinaires (ex. modèle “Safe Sound”, utilisé par le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations Unies – mise en place de procédures visant les décideurs à respecter l’ISE.).
– Attention enfin à respecter la capacité de développement ou d’évolution de l’enfant, agir au cas par cas en tenant compte des aspects temporels.
Pour en savoir plus : www.bestinterestofthechild.be
Le 6 janvier 2015
En remerciant la Conférence des OING pour ma participation à cet événement.
Viviane Theys, rapporteur Présidente d’Eurocef, OING au Conseil de l’Europe Directrice asbl Globul’in, service d’aide aux jeunes, Belgique.